Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Interview avec Abd Al Malik

22 Novembre 2014, 20:10pm

Publié par Baâroun Thaïma

Abd Al Malik, réalisateur de "Qu'allah bénisse la France"

Abd Al Malik, réalisateur de "Qu'allah bénisse la France"

Après 1 heure, passée sous la pluie, un refus d'entrer dans « Le petit Manoir », un appel du maire (que l'on remercie pour son soutien) qui nous a permis d'entrer en contact avec Abd Al Malik, beaucoup d'excitation, on arrive enfin à avoir une interview de quelques minutes avec l'artiste dans le cinéma Rex :

Thaïma Baâroun : « Qu’Allah bénisse la France », un message d'espoir ?

Abd Al Malik : Oui, c'est un message d'espoir, vraiment. Ce titre est à prendre au premier degré. J'ai envie de dire que l'islam, le christianisme, le judaïsme, sont des religions françaises. Donc dire qu'Allah bénisse la France, c'est comme un hommage au pays que j'aime, qui a fait de moi l'homme que je suis. C'est important aussi de dire, au moment où l'islam est stigmatisé et où finalement des gens ont pris en otage cette religion et en font n'importe quoi. Tout n'est basé que sur des cas particuliers, tous les musulmans n'ont pas des idées intégristes. Ce titre est donc une sorte d'hymne à la tolérance, à la paix, à la diversité.

T.B : Espérez-vous que ce film ait un impact sur la société actuelle ?

A.A.M : J'espère oui, mais pour moi, chaque acte artistique a un impact. Un impact direct parce que ça nous touche au niveau de nos imaginaires. Parfois, on ne s'en rend pas compte, mais on peut être influencé par un livre que l'on a lu, une film que l'on a vu, ça oriente toute notre vie. Je pense donc oui que cela peut faire bouger les choses, et changer la société positivement.

T.B : « Nous on a envie d'aimer la France, mais la France ne nous aime pas. », phrase de l'oncle Jean dans le film : alors qu'est-ce-que l'on doit faire pour que la France nous aime ?

A.A.M : Quand l'oncle dit ça, il parle de son ressenti. Le problème quand on est français d'origine étrangère, on a l'impression par des attitudes que les gens ont des préjugés sur nous, que l'on est rejeté. Les contrôles d'identité, les paroles, les regards, la racialisation des choses, le fait d'être toujours ramené à sa religion, nous avons l'impression qu'on ne nous aime pas. Mais au final il ne faut pas confondre la mauvaise attitude de certaines personnes et ce qu'est le pays. En France, on a la chance d'être dans un pays où les institutions permettent de vivre ensemble, d'avancer ensemble et de faire comprendre que la diversité est une richesse. Donc nous, on ne doit pas se baser sur les esprits chagrins qui disent n'importe quoi, on doit se baser sur le pays lui-même. Si ces gens-là ne veulent pas le changement positif et bien moi je le ferai.

T.B : Votre film est-il un outil de dénonciation contre la montée du fachisme des deux côtés ?

A.A.M : Oui, bien sûr, mais surtout la bêtise de manière générale. C'est Jacques Brel qui disait que « la bêtise c'est une forme de graisse autour du cœur », c'est de la fainéantise. On ne veut pas aller vers l'autre, on ne veut pas parler avec lui, on ne veut pas échanger, on ne veut pas comprendre l'autre. C'est une sorte de fainéantise mortifère.

T.B : Pourquoi avoir réalisé le film en noir et blanc ?

A.A.M : Je voulais vraiment rendre hommage au cinéma. Pour moi, un film de cinéma, il est en noir et blanc et il est muet. Bon mon film n'est pas muet, mais j'ai d'une certaine manière en mettant le noir et blanc, j'ai voulu rendre hommage aux auteurs que j'aime, comme Bresson, Visconti, Mathieu Kassovitz. Et dire en faisant ce film que c'était un acte de cinéma, comme ça les gens s'asseoient et disent « voilà, on est au cinéma et on regarde un film ». Pour mon premier film je ne pouvais pas faire autrement que le faire en noir et blanc.

T.B : Pourquoi avoir adapté votre livre au cinéma ?

A.A.M : Je trouvais que je pouvais aller encore plus loin avec le cinéma. J'ai surtout le sentiment que le cinéma c'est l'outil culturel par excellence, plus que les livres. Le cinéma est aujourd'hui ce que les livres étaient au siècle dernier. C'est-à-dire que ça a un impact majeur, que tout le monde peut s’asseoir et regarder un film, il n'y a pas de filtre. Alors que pour lire un livre, il faut être cultivé d'une certaine manière. Donc faire une adaptation en film ça faisait sens et cela me permettait de toucher un public plus large.

T.B : Comment voyez-vous l'islam au jour d'aujourd'hui ?

A.A.M : Je vois l'islam comme hier et comme demain. L'islam, c'est une religion de paix, d'amour, d'acceptation de la différence, mais après des idiots, il y en a partout. On ne pourra jamais empêcher les idiots d'être idiots. Donc moi les idiots, je les vois comme des idiots, qu'importe où ils se trouvent. L'islam est une belle religion, comme le christianisme, le judaïsme ou comme ne pas croire en Dieu, il n'y a pas de problème. L'essentiel c'est que l'on puisse avancer, main dans la main, ensemble.

Nous le remercions pour cet interview fort sympathique.

(en collaboration avec Gregory Herfurth)

Interview avec Abd Al Malik
Interview avec Abd Al Malik
Commenter cet article